Bordeaux Aquitaine Marine
Le naufrage de l’Aimable Scociété - 1820
extrait des Annales Maritimes et coloniales, 1820.
Bordeaux, le 28 Octobre 1820.
Monsieur,
Tout
événement
intéressant
ou
extraordinaire
qui
a
trait
à
la
marine,
devant
naturellement
trouver
place
dans
les
Annales
maritimes,
j'ai
pensé
que
celui
dont
j'ai
l'honneur
de
vous
transmettre
les
détails
méritant
d'y
être
inséré,
comme
ayant
donné
lieu
à
un
trait
de
courage
et
de
présence d'esprit qui honore un de nos braves marins; et c'est dans cette conviction que je vous prie de vouloir bien l'accueillir.
J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très-humble et obéissant serviteur.
Le Commissaire de marine,
C. DE LAGATINIRIE.
«
Le
19
janvier
1820,
le
capitaine
Ollive(Philippe),
âgé
d'une
trentaine
d'années,
maître
au
petit
cabotage
de
Nantes,
commandant
le
brig
l'Aimable-Société,
était
à
l'ancre
sur
la
rade
de
Bordeaux,
toutes
voiles
déverguées
et
placées
dans
la
chambre.
Le
bâtiment
n'avait
pointde
lest,
parce qu'il avait été débarqué pour faire un nouvel arrimage.
Sur
les
sept
ou
huit
heures
du
soir,
le
capitaine
descendit
dans
sa
chambre
avec
quatre
hommes;
deux
autres
personnes
de
l'équipage
restèrent
sur
le
pont.
Un
instant
après
un
coup
de
vent
du
sud
ouest,
extrêmement
violent,
fit
chavirer
le
bâtiment,
et
les
deux
marins
qui
étaient
restés
sur
le
pont
furent
jetés
à
la
mer;
mais
un
seul
se
noya,
et
l'autre
fut
sauvé
par
trois
embarcations.
Le
capitaine
et
les
quatre
autres
malheureux
qui
étaient
dans
la
chambre
se
trouvèrent
alors
dans
une
position
affreuse.
Le
bâtiment
ayant
chaviré
subitement,
l'air
qui
était
dans
la
chambre
n'eut
pas
le
temps
de
se
dégager;
il
en
resta
un
peu,
qui
occupa
le
plancher,
devenu
le
plafond,
puisque
le
bâtiment
avait
la
quille
en
haut.
Cet
air,
fortement
comprimé,
servit
seul
à
la
respiration
du
capitaine,
qui
souvent
même
en
fut
privé
;
car
le
roulis
le
déplaçait
sans
cesse
:
les
quatre
hommes
furent
successivement
étouffés.
Le
capitaine
essaya
plusieurs
fois
de
sortir
par
le
dôme
de
sa
chambre,
et
on
sent
qu'il
était
alors,
et
par
suite
de
la
position
du
bâtiment,
obligé
de
plonger;
mais
l'échelle
ayant
été
démontée,
engorgeait
et
bouchait
le
passage;
et
les
voiles, qui étaient dans la chambre, augmentaient la confusion en flottant à l'embouchure du dôme : il ne put donc y parvenir.
Dans
cette
position
horrible,
meurtri
par
les
secousses
affreuses
qu'il
recevait,
et
heurté
continuellement
par
les
cadavres
de
ses
malheureux
compagnons,
qui,
dans
leurs
divers
mouvements,
s'étaient
accrochés
à
lui,
le
capitaine
Ollive
ne
perdit
pas
courage.
Au
moment
du
naufrage,
trois
embarcations
avaient
entouré
le
bâtiment
pour
sauver
les
deux
marins
jetés
à
la
mer;
parmi
eux
se
trouvait
le
frère
d'Ollive
:
ce
jeune
homme,
placé
sur
la
quille
de
l'Aimable
Société,
affirmait
à
tous
les
marins
qu'il
entendait
la
voix
de
son
frère;
on
n'ajoutait
pas
foi
à
ce
qu'il
disait
;
on
pensait,
et
en
effet
on
devait
croire
que
le
malheureux
Ollive
n'existait
plus.
Cependant,
à
force
de
solliciter,
et
après
plus
de
deux
heures
et
demie,
on
se
décida
à
faire
un
trou
au
bâtiment
pour
retirer
ceux
qui
y
étaient
enfermés
;
mais
au
moment
où
l'air
trouva
un
passage,
il
se dégagea avec force, et Ollive en fut entièrement privé ; il tenta alors de plonger pour la dernière fois.
Ce
dernier
effort
lui
réussit
;
il
brisa
ou
écarta
l'échelle
qui
bouchait
le
dôme,
et
sortit
du
tombeau
pour
se
retrouver
dans
les
bras
de
son
frère. Que de réflexions fait naître une position aussi affreuse ! Je me borne à exposer ici les faits avec vérité."
Bordeaux Aquitaine Marine 2