Bordeaux Aquitaine Marine
Le Chantier du Roi
par Alain Clouet
le chantier en face de l’hôpital de la Manufacture vers 1780
Bien que n'ayant pas d'arsenal, Bordeaux a intéressé la marine royale pour son
implantation au fond d'un énorme estuaire, assurant une certaine sécurité vis-
à-vis des incursions navales étrangères.
Dès le 17e siècle, la marine royale s'est installée devant l'hôpital de la
Manufacture à Paludate sur la rive gauche de la Garonne pour y stocker des
bois de construction destinés aux arsenaux royaux. Il occupait alors une
superficie de 12.890 m². La marine disposait aussi des fosses aux mâts (à
Bacalan et aux Queyries), de deux corderies (à St Pierre et au Puy-Paulin), d'un
magasin général (à Ste Croix), et d'un autre dépôt de bois (à Ste Croix). Il
convient d'y ajouter un champ d'essais situé à Lormont (rive droite) où les
canons provenant des Forges du Périgord étaient testés avant d'être livrés à
Toulon ou Rochefort.
Il semble qu'au début, le chantier fut utilisé pour la construction comme en
témoigne cett citation de Féret (1) dans sa Statistique : "Au XVIIe siècle, la
marine marchande de Bordeaux ne se composait encore que de caboteurs
incapables d'affronter la haute mer. Les chantiers de construction étaient alors établis en Paludate. Le chantier du Roi avait seul de l'importance. En 1611, la flotte de
Louis XIV se composait de 119 navires de tous rangs, dont 4 du premier rang, 7 du deuxième et 4 du cinquième avaient été construits dans ce chantier du Roi". Ce
témoigne unique n'est pas corroboré par d'autres sources à ma connaissance, mais dans ce cas, le chantier est rapidement tombé en désuétude puisqu'au siècle, les
auteurs s'accordent à dire qu'il n'y avait pas de chantier réel. Aucun ingénieur-constructeur ne fut d'ailleurs nommé pour diriger le chantier.
Il fallut attendre 1759, l'année où Delaurier, un ingénieur-constructeur
du Roi fut nommé pour prendre la direction de l'emplacement devant
la Manufacture et y créer un chantier de construction. Ce serait à cet
emplacement qu'ont été construites quatre prames de 390 tx (Louise,
Batilde, Sophie et Françoise).
A partir de cette date le chantier fut entouré de palissades et des
ateliers furent érigés. On construit même une porte d'entrée
monumentale en pierre pour souligner le caractère royal du lieu !
Cette porte demeura longtemps en place, même après la disparition
du chantier.
En 1761, l'ingénieur-constructeur Antoine Groignard vient à Paludate
pour dessiner les plans d'un futur vaisseau de 56 canons dont il sera
commandé quatre exemplaires en 1762, par Choiseul, alors ministre
de la Marine, (le Bordelais, le Flamand, l'Utile et la Ferme) dont la
réalisation sur place sera dirigée par Léon-Michel Guignace (il sera
nommé ingénieur-constructeur en 1765).
Ce fut le départ d'une série de constructions, toujours sous la
direction de Léon-Michel Guignace. Ce dernier quitta ses fonctions en
1775 et ne fut remplacé que deux plus tard par Pierre Train qui ne
resta que deux avant de rejoindre Bayonne. Il convient cependant de noter que sur les quelques 120 bateaux construits sur ce demi-siècle sur ce demi-siècle, la grande
majorité seront de petites unités du type chaloupe, canonnière ou péniche.
En mars 1814, l'armée anglo-portugaise est aux portes de Bordeaux. Une frégate est en cours d'achèvement sur le chantier. Par ordre du commissaire de la marine,
elle est renversée sur ses tins afin que l'ennemi ne puisse la récupérer. Ce sera le dernier navire de l'Etat construit au chantier du Roi .
(1) in Ferret – Statistique Générale de la Gironde, 1878 - p 875.
LES NAVIRES CONSTRUITS AU CHANTIER DU ROI
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