Bordeaux Aquitaine Marine

Chantiers de la Garonne & ACSO

Les derniers avatars des chantiers de la Gironde par Alain Clouet

1969. Les Chantiers de la Gironde ferment

définitivement leurs portes à plusieurs centaines

d’ouvriers. Conformément au Livre Blanc sur l’avenir

de la construction navale, publié à la demande du

gouvernement à la fin des années 60, Bordeaux perd

son grand chantier au profit d’un regroupement sur

quelques sites non aquitains.

C’est que la situation de la construction navale

française et même européenne est très mauvaise. La

concurrence japonaise, qui en a fait sourire certains à

l’époque, devient exacerbée du fait des prix de

dumping pratiqués et oblige les gouvernements

européens à prendre des mesures radicales :

diminution des capacités de production et aides

financières à la construction.

Le chantier reste ainsi quelques mois à l’abandon, puis

en 1971, on le voit très discrètement rouvrir. Maurice

Desmoulins est l’auteur de cette réouverture. Il est à

la tête d’un tout petit groupe spécialisé dans la

construction navale qu’il a créé de toutes pièces après la Libération. Ancien ingénieur de marine de l’Ecole Navale, il a activement participé au

renflouement des épaves de la Garonne dans l’ombre des américains en créant des petites sociétés spécialisées comme SINAT (travaux sous-

marins), STEMA (réparation navale) ou SOPEGA (carénage). Plus tard il étendra son activité carénage à La Rochelle (SOPERA) et à St Nazaire

(SOPENA).

C’est à la fin des années 60 qu’il rachète les Chantiers de la Garonne, une bien modeste entreprise à vrai dire. Le chantier est situé quai de

Queyries en bordure de l’eau. Il n’occupe probablement pas plus d’un hectare ou deux. Les ateliers vieillots sont en bois, mais ils ont

l’avantage de recouvrir une cale de construction qui permet le lancement et le carénage de petites unités de servitude. C’est d’ailleurs sur ce

créneau que le chantier est spécialisé et il a parmi ses clients la Marine Nationale qui lui achète des remorqueurs de port. Souvenir de

l’ancienne vocation « bois » du chantier, il a conservé une très bonne équipe de menuisiers de marine qui s’avérera être un atout quelques

années plus tard dans la construction offshore !

Le déménagement du minuscule chantier du quai de Queyries au quai de Brazza ne pose pas de vrai problème. Par contre la remise en route

du chantier est beaucoup plus difficile. Les installations du quai de Brazza sont disproportionnées par rapport aux besoins du nouveau

propriétaire et, surtout, sont à l'abandon depuis plusieurs années. Qu'importe, la ténacité du nouveau directeur, R. Bisso, et la remise en état

des équipements permettent le redémarrage du chantier. Et les premières commandes arrivent. Des remorqueurs pour les Abeilles, des

chalutiers "pêche arrière" pour les bretons, la transformation de "l'île d'Ouessant" en barge de maintenance pétrolière en 1974, ainsi que la

construction d'un petit module d'habitation pour une plate-forme offshore de Elf-Gabon destinée au champ pétrolier de Grondin. Une

bizarrerie qui va faire le succès du chantier.

En effet, nous sommes dans la période d'or de la construction offshore pour les chantiers français. La société Ponticelli frères, sous la

direction de Augustin Viguier, installée à Ambès et Bassens, construit des modules de production et des ponts pour l'industrie pétrolière

offshore. Leur carnet de commandes est plein, et Elf leur demande de construire des modules d'habitation pour les plateformes. ils vont

donc recommander à Elf de se rapprocher de ce petit chantier voisin ayant une très bonne équipe d'aménageurs de cabines. Le module

prévu pour abriter 70 personnes sera livré en 1975. Elf, très satisfaite des prestations du chantier, lui confie dès la mi-1974 la construction des

living-quarters du champ norvégien de Frigg, soit l'équivalent d'un hôtel de 120 personnes perché en haut d'une plateforme ancrée par 120

mètres de fond au large de Stavanger en Norvège. Nouveau succès. Dès lors, les constructions vont se succéder (voir tableau ci-dessous).

Pas pour longtemps, Première crise de la construction offshore en 1978. Plus aucune commande en 1979. Le groupe Desmoulins est trop

faible pour survivre à une telle crise et les banquiers le laissent tomber. Le dépôt de bilan est inévitable en 1979. Les candidats à la reprise ne

se bousculent pas. Mais un bordelais est intéressé : Paul Mottet, président du groupe Pétromer, armement pétrolier français. Paul Mottet est

un personnage du port. Autodidacte, ancien ouvrier chaudronnier des Chantiers de la Gironde, il a fait fortune dans le navettage (transport

de produits finis entre Le Verdon et Bordeaux) et le cabotage en Afrique occidentale. Il reprend l'ensemble du groupe Desmoulins (13

sociétés au total) en août 1979 suite à une négociation marathon avec les pouvoirs publics.

Les Chantiers de la Garonne deviennent alors Ateliers et Chantiers du Sud-Ouest (ACSO), avec à leur tête un nouvel ingénieur en chef,

Philippe Cambournac. Le chantier entre dans une nouvelle phase de construction navale avec des navires plus sophistiqués comme les

transports de gaz liquéfié, les rouliers (TUA PAE II), les tankers, sans pour autant négliger l'offshore avec la construction de living-quarters

mais aussi de barges de travail pour ETPM, FOREX NEPTUNE, SERVICES & TRANSPORTS, EHM, FORAMER et BOUYGUES.

Mais les problèmes fondamentaux demeurent. Les navires ne peuvent être vendus qu'avec l'aide gouvernementale attribuée par une

administration qui reste très réticente vis-à-vis du chantier bordelais qui lui a forcé la main grâce à Chaban-Delmas. Les pétroliers

commencent à confier leurs constructions à des chantiers non européens (Abu Dhabi, Singapour, Corée, etc.) nettement moins chers. Le

protectionnisme s'exacerbe et des pays comme la Norvège veulent faire construire sur leur territoire. Par ailleurs, le groupe Mottet, tout

comme avant lui le groupe Desmoulins, n'investit pas dans la modernisation d'un chantier dans des équipements qui étaient déjà à bout de

souffle en 1970. Ils n'ont pas pu investir faute d'une capitalisation suffisante.

Living-quarter pour le champ hollandais L7 de Petroland (coll. A.Clouet)

Alain Mottet, fils de Paul, président des ACSO, de la STEMA et de ARNI (entreprise de réparation navale, reprise en 1980), tente de

redynamiser les chantiers en créant une structure commerciale et d'ingénierie commune, TECMAR en 1982. Le but est de se positionner sur

la chaudronnerie offshore complexe (bouées de chargement, stingers, éléments de production, etc.).

La concurrence est rude, la technologie difficile à acquérir, mais quelques réussites sont là : une bouée de chargement est construite, des

stingers fabriqués. Et puis, deux mauvais contrats survenus coup sur coup (drague pour le GIE DRAGAGE PORTS et barge de travail pour

BOUYGUES) en 1983 et 1984, précipitent la chute. Le groupe PETROMER jette l'éponge. Les salariés regroupés au sein d’AQUITAINE-MARINE

essaieront de remonter le chantier. Mais les banques ne suivent pas, et faute de partenaire, leur expérience ne durera que quelques mois.

Bordeaux n'est plus un port de construction navale. La cale de construction est condamnée, les installations sont rasées (à l'exception des

nefs reprises plus tard le constructeur de yachts CNB).

Les principales productions de 1972 à 1985 (CDLG & ACSO)

CONSTRUCTIONS NAVALES

2 thoniers congélateurs G. Levy 1972 lobgueur : 24 et 27 m

Bigue CASTILLON G.T.M. (Bordeaux) Puissance levage : 120 tonnes

Tender pétrolier ILE D'OUESSANT Foramer 1974 transformation

2 chalutiers (CORIANDRE, SEQUOIA) LANLO 1974-75 43 m - pêche-arrière

2 chalutiers (SAINT BRIAC, SAINT ENOGOAT) PROD'HOMME 1975-76 43 m - pêche-arrière

Barge de forage ANGUILLE ELF GABON 1976

barge autopropulsée TCHIMBERLE Chantiers Modernes - Gabon 1977

transformation Barge type LCT OGATRA (Gabon) 1978

Barge poseuse de pipe-lines 203 ETPM 1978 avec logements 250 p.

Barge de work-over SEAREX 2 Forex Neptune 1980 avec logements 86 p.

Barge-hôtel KATHIRA STA (Congo) 1979 60 m - 86 personnes

Pétrolier-butanier SARA BELLE ST (Services & Transports) 1980 94.50 m

pétrolier PIERRE LAFFITTE STA 1979 Port de 1950 T

Bac LE VERDON Département de la Gironde 1979 longueur : 56 m

Barge quai KWANDA GEM Hersent (USA) 1980 pour l'Angola

Roulier TUA PAE II SNA (Tahiti) 1980 700 TPL

Bac MEHERIO II Gouvernemeny (Tahiti) 1981

1 tender de forage (ILE DE SEIN) FORAMER FORASOL 1981

2 tenders de forage (ALLIGATOR, BARRACUDA) FORAMER FORASOL-HUNTING SHIPPING Co 1982

Transport de pétrole & gaz MARIANA STA 1981 1655 tpl, 3400 T

Barge pétrlière DBL 101 SERIMER (Iran) 1982 pour Golfe Persique

3 tenders ETPM 1981/1982 longueur : 100 mètres

Tanker LPG JACQUES LAFFITTE STA 1982 Capacité de 2800 m3

2 supply-vessels (TENDER BORDEAUX, TENDER BOURGOGNE) Wilhemsen (Norvège) 1982 AHTS de 4.500 cv

1 supply-vessel TENDER BOUNTY Wilhemsen (Norvège) 1983 AHTS - refitting

3 supply-vessels (ANGEL FISH, DRILL FISH, ROCK FISH) FISH 1982 AHTS de 4.000 cv

2 remorqueurs (MARSEILLAIS 3, PROVENCAL 5) PROGEMRAR 1981 propulseurs Voith - 2 700 cv

Chaland pétrolier VRIDI SIAP (Côte d'Ivoire) 1983

Tender de forage TECHFOR 1983

drague à désagrégateur DEVEZE GIE DRAGAGES PORT 1983

Barge maintenance Bouygues Offshore 1984

2 supply-vessels (PEARL FISH, MONT FISH) FISH 1984 AHTS

1 workboat BENGA African Offshore Services 1984

roulier Tuha-Pae 2 gas tanker Mariana supply-vessel

CONSTRUCTIONS OFFSHORE

Living-quarters pour les champs de :

ASHTART SEREPT, Tunisie 52 pers. – 355 t

EKOUNDU SEREPT, Tunisie 52 pers. – 355 t

GRONDIN Elf Gabon 70 pers. – 290 t

FRIGG Elf Norge 120 pers. -1800 t

ALWYN TOTAL 5gb°

L7 Petroland 68 pers. – 380 t

ARDESHIR ETPM / IPAC 70 pers. – 280 t

SIRRI ETPM / SOFIRAN 50 t

PETROLUND WEPCO (Egypte)

plateforme FRIGG barge 203

CHANTIERS DE LA GARONNE (quai de Queyries - avant 1972)

4 remorqueurs de haute mer pour la Cie Les Abeilles : Abeille 7 & 8 (1972), Provençal 1 & 2 ( 1973) - moteurs diesel de 2800 cv, propulseurs

Voith-Schneider.

2 remorqueurs de 1.000 cv Marine Nationale

2 remorqueurs de 250 cv Marine Nationale

1 vedette pour Wallis et Futuna (1963)

1 remorqueur de 410 cv pour Tahiti (Moana Rau, 1966)

4 pousseurs de 400 cv Marine Nationale

1 remorqueur de 400 cv Port de Bx

1 chaland-citerne SOFLUMAR

2 chalands-citernes pour Chargeurs Réunis (50 tpl)

6 chalands de 18 m

1 vedette pour les Phares et Balise (Veleda)

1 vedette de sondage hydrographique (Biganon) - coque avec bordé acajou

Nombreux canots de servitude, vedettes, chalutiers (17 à 23 m)

1 plateforme de déroctage Port de Bordeaux

2 bateaux citernes de 50 t Chargeurs Réunis

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