Bordeaux Aquitaine Marine
La Franco-Navale, un chantier naval d'après-guerre à Bacalan
D'après Jean-Marc Sarthoulet, entretien avec Didier Periz.
(nous tenons à remercier Didier Periz de nous avoir autorisé à reproduire cet article publié dans la revue "Bacalan" n° 38 de sept. 2012)
Le chantier est encore là, au bout du chemin Laffitte prolongé, entre le pont d'Aquitaine et la vieille halte nautique du Point du Jour. Ultime
vestige des chantiers de construction navale qui firent la notoriété et la puissance industrielles de Bacalan depuis les chantiers Arman au XIXe
siècle jusqu'au gigantisme de Dyle & Bacalan et ses milliersd'ouvriers.
Selon son ex-propriétaire, Jean-Marc Sarthoulet, ce chantier auraitpour
origine un “slip” de hissage dont la longueur (100 m) correspond à la
taille des sous-marins italiens et allemands pour leur échouage avant la
constructionde la base sous-marine.
En 1944-1945 le chantier de la Franco Navale est dirigé par un Italien
(M. Pistarino), ingénieur de marine. Il faisait partie, ainsi que de
nombreux ouvriers italiens du chantier, des troupes d’occupation
stationnées dans le quartier Dupaty. Le propriétaire est alors une
société anonyme composée de M. Trochery (agent Mercedes à La
Bastide) et de M. Auguste, expert-comptable.
Vue aérienne du chantier, le long du chemin Laffitte. Il disposait d'un
slipway de 100 m de long et de deux grills (photo archives Sarthoulet)
M. Trochery apporte la construction et la réparation des remorques et
citernes Titan, avec de la tôle marine dont la souplesse convient au
châssis des remorques. C’est lui qui, après avoir vendu la Franco Navale
à Sarthoulet, a créé la Société Générale de Traction, dirigée ensuite par
ses petits-enfants etqui existe toujours.
M. André, ingénieur venant des usines de la “Grande Paroisse”, prendra
la direction du chantier qu'il oriente vers la construction de bateaux
neufs, de dragues et de chalutiers de pêche.
La loi Deferre de 1951 encourage la construction navale par un système
d'aide publique. En 1958, le chantier, mis en liquidation amiable, est
racheté par Jean-Marc Sarthoulet, propriétaire et directeur des anciens
chantiers Exshaw, quai de Brienne à Bordeaux (réparation de bateaux
fluviaux et remorques Atlas).
un chalutier en construction (photo archives Sarthoulet)
Le personnel se partageait d’un chantier à l’autre, de Brienne à Bacalan (dessinateurs, soudeurs, tuyauteurs, chaudronniers, environ
cinquante personnes). Il arrête les constructions neuves et oriente le chantier vers la réparation et la « jumboisation » (transformation et
agrandissement de navires existants), très à la mode à cette époque.
Pendant environ trente ans, le chantier Franco Navale restera en
exploitation. La fin des transports fluviaux sur les canaux du Midi, la
disparition des petites flottes pétrolières et bateaux dragueurs de la
Garonne, Gironde et Dordogne furent fatales à l’exploitation, sans
compter la concurrence des remorques américaines sur le marché
national (fin des Titan et Atlas). La construction de la pile rive gauche
du grand pont suspendu a provoqué l’envasement entre la pile et la
rive à proximité du chantier, ce qui limita la possibilité de trouver des
fabrications complémentaires tournées versla rivière.
Le 24 septembre 1986, l’immeuble et tous les matériels sont vendus à
la société Manche Océan Africa représentée par Philippe Lagrange,
toujours propriétaire à la fin du siècle.
(photo archives Sarthoulet)
note de la rédaction : En fait la fonction "chantier naval" est morte avec l'arrivée de Philippe Lagrange qui se consacra essentiellement à
l'achat et à la revente de matériel marin d'occasion au continent africain.
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